Les Pays Catalans sont les pays de langue et de culture catalanes. C’est un ensemble de huit territoires de taille et de statut très différents, répartis dans quatre États : l’Andorre est un État membre des Nations Unies, l’Alguer est dans l’île de Sardaigne, la Catalogne Nord, annexée en 1659 par le roi de France, est aujourd’hui un département français et, dans l’État espagnol, il y a la Catalogne, qui veut suivre un chemin vers l’indépendance, le Pays Valencien, les Îles Baléares, la Frange du Ponant et le Carxe.
Lorsqu’ils désignent des régions ou des pays, les noms ne sont pas seulement géographiques mais ils identifient aussi leurs citoyens, créant ainsi des sentiments d’appartenance et des solidarités, avec souvent une forte charge
politique. Il n’y a pas d’identité, de sentiment collectif ni de projet politique sans nom. Bien choisi, car à la fois il suppose la diversité et il affirme l’unité linguistique ou un projet d’avenir, le nom de Pays Catalans est relativement récent. Le concept qui apparaîtra en premier est celui de terres de langue catalane, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe. Le Congrès international de la langue catalane en 1906 et la création de l’Institut d’Estudis Catalans, l’académie de la langue catalane, contribueront beaucoup à installer ce concept, qui se consolidera avec la création et l’acceptation des instruments linguistiques communs qui intégraient l’ensemble de l’aire. En parallèle ou en substitution apparaîtra ensuite le concept de Pays Catalans. Il gagne du terrain pendant la résistance au franquisme et il s’installe définitivement avec les grandes oeuvres sur les Pays Catalans éditées des annèes soixante.dix à quatre-vingt-dix du XXe siècle: histoire, géographie, histoire naturelle, langue.
La langue catalane est leur lien majeur et essentiel. C’est pour cela qu’il y aura toujours des attaques contre elle, que ce soit pour essayer de la faire disparaître ou que ce soit pour la fractionner. Nous devons être conscients de l’unité de la langue catalane et la conserver, quel que soit son nom dans chacun des territoires (le français est appelé wallon en Belgique, québécois au Canada et acadien al sud des États Unis, mais personne ne doute que ce ne soit partout le français). Dans le respect des normes orthographiques, notre académie, l’Institut d’Estudis Catalans, reconnait les variantes dialectales, étudie et conserve leurs lexiques et leurs caractères grammaticaux, qui font partie de la langue.
Laissons de côté les complexes d’infériorité. Observez que, sans être une des aires les plus grandes, les Pays Catalans ne sont pas négligibles sur la carte de l’Europe. Ce sont plus de 70.000 km2 et de quatorze millions d’habitants. Du nord au sud ce sont quelques 800 km ou, si vous voulez, comme de Milan à Prague ou à Bruxelles. Le poids économique de la Catalogne est comparable à celui de la Norvège et supérieur à celui de la Grèce ou du Portugal. Avec le Pays Valencien et les Îles Baléares, c’est le tiers de l’économie espagnole. Les Pays Catalans représentent un potentiel supérior à celui de la Pologne ou équivalent à celui de la Turquie. Ses dix millions de locuteurs situent le catalan au niveau du grec, du hongrois ou du tchèque. Si c’était une langue officielle de l’UE, elle serait la huitième ou la neuvième des 21 langues, précédée dans l’ordre par l’allemand, le français, l’anglais, l’italien, le polonais, le castillan et le néerlandais, et avant le portugais el la suédois. La production éditée en catalan est semblable à celle d’un État européen moyen.
Depuis leur origine les Pays Catalans ont des situations différenciées. Jacques 1er le Conquérant n’a pas annexé les nouveaux territoires à la Catalogne, il a créé les royaumes de Valence et de Mallorca. Aujourd’hui les divisions autonomiques les perpétuent. L’Andorre, la Catalogne Nord et l’Alguer ont connu des évolutions divergentes considérables. Les Pays Catalans dans l’État espagnol ont suivè des évolutions parallèles mais différentes. Aujourd’hui comme dans l’avenir, tout système qui reliera entre eux les Pays Catalans devra prendre en compte ce legs historique et les situations actuelles.
Commencé avec le dictateur toujours vivant et le régime franquiste intact, et terminé pendant le transition, le Congrès de Culture Catalane le proposait déjà de manière prémonitoire dans les conclusions de sa branche sur les institutions (traduction): “Chacun des Pays Catalans doit pouvoir obtenir la reconnaissance institutionnelle d’un gouvernement propre et la capacité de s’organiser selon ses nécessités. En même temps il faut prévoir la possible coordination des services et de l’administration pour résoudre les problàmes communs aux Pays Catalans, dans la perspective d’une plus grande articulation. Le processus d’articulation ne pourra se faire qu’avec la libre et pleine décision de chacun des pays, tout en préservant leur personnalité.”