La Catalogne Nord correspond presque au département des Pyrénées- Orientales, créé pendant la Révolution Française, qui englobe la plus grande partie du Fenolledès occitan. Les quatre comarques du Roussillon, du Vallespir, du Conflent, du Capcir et la moitié de la Cerdagne, pudiquement baptisée Haute Cerdagne dans nos encyclopédies, totalisent 4.166 km2 et quelques 460.000 habitants. La Catalogne Nord faisait partie de la Catalogne, dont elle n’était pas différenciée. Pendant le haut Moyen Âge elle avait trois des premiers comtés catalans et Guifré el Pilós, à l’origine de la maison comtale de Barcelone, était originaire de Ria, en Conflent, au pied du Canigó. Au cours du bas Moyen-Âge Perpignan était la seconde ville de Catalogne, après Barcelone, et avait une des quatre loges de mer catalanes qui animaient le commerce maritime méditerranéen.
La Catalogne Nord fut séparée de la Catalogne par le traité des Pyrénées en 1659, donc il y a plus de 350 ans, et ce sont bien des années. Quand ce traîté termine une longue guerre qui opposait le roi de France et le roi d’Espagne et d’autres territoires, c’est la Catalogne qui en paie les conséquences et se voit amputée de ses régions du nord, sans qu’elle n’ait rien à dire. L’annexion au royaume de France sera douloureuse et traumatisante. Les conspirations et les révoltes, comme celle des Angelets de la Terre au Vallespir sont réprimées durement et le pays est châtié. Cette nouvelle province française du Roussillon est un pays d’imposition, où le roi lève les impôts à son gré, où l’industrie et les activités
périclitent car il y a une double frontière douanière: vers le sud, où sont perdus les approvisionnements et les marchés, et vers le nord afin de ne pas faire de concurrence au Languedoc. D’une situation préindustrielle comparable au reste de la Catalogne, la Catalogne Nord va progressivement passer aux XIXe et XXe siècles à une économie agricole avec des vins et des productions fruitières et horticoles qui bénéficiaient d’une rente de position en France, jusqu’à ce qu’elle la perde avec la création du Marché Commun et, plus tard, avec l’entrée de l’Espagne dans la CEE. Curieusement, les bornes frontières ont été plantées seulement deux-cents ans après, en application du Traité de Bayonne en 1866, c’est-à-dire la fin du Second Empire français.
Une agriculture de qualité se maintient, avec la plus grande proportion de productions biologiques de France, mais ce sont le tourisme et le commerce qui portent l’économie. Le tourisme de plage l’été, le ski l’hiver et le commerce s’y détachent. On ignore souvent que le Marché d’exportation et de transit de Sant Carles est le plus important de tout le sud de l’Europe et la seconde résidence des exportateurs valenciens, murciens et andalous, et que le total des hypermerchés et des grandes surfaces commerciales spécialisées de Perpignan est comparable à celles des aires urbaines de Barcelone ou Valence.
Au cours des années soixante et soixante-dix la moitié de la population a été renouvelée, entre les jeunes qui partaient et l’arrivée de nombreux retraités. Cela a changé le profil linguistique et politique du pays. Le phénomène continue jusqu’à aujourd’hui, avec une forte immigration depuis le Maghreb, jusqu’au point où les noms de cette origine sont les plus nombreux chez les nouveaux-nés des dernières années. La population catalane d’origine est aujourd’hui minoritaire mais, selon les estimations, un tiers des habitants parle le catalan, soit plus que pour toutes les autres langues dites régionales en France, occitan, breton, basque ou corse.
Comme pour toutes les autres langues territoriales de l’État, hormis le français, le catalan n’a aucune reconnaissance. La situation est très claire et sans ambiguités : juridiquement, ces langues n’existent pas, bien qu’elles puissent être enseignées et utilisées, avec beaucoup de difficultés et de limitations. Il faut savoir que l’État français ne reconnait ni les droits collectifs ni les territoriaux ; il ne garantit que les droits individuels, et encore pas tous, comme par exemple le droit à l’identité qu’il considère de la sphère privée, tout comme les croyances et les religions.
En 2017, seulement 25% des élèves ont un enseignement de catalan, alors que près des trois quarts des parents le souhaitent pour leurs enfants. Il s’agit d’une heure d’initiation par semaine pour la majorité, et d’un apprentissage pour 8% d’entre eux, avec un enseignement bilingue dans les écoles publiques et une immersion pour les élèves des écoles catalanes de la Bressola et d’Arrels.
Joan Becat